Variations autour du couscous
Par Catherine Lasserre - 22 oct. 2014
Variations autour...

Le couscous, ce plat originaire du Maghreb, est devenu en l'espace d'un demi-siècle l'un des plats préférés des Français. Mais de quel couscous parlons-nous au juste ? L'Algérie, la Tunisie et le Maroc comptent chacun des dizaines de variantes suivant les régions et l'héritage culinaire propre à chaque famille. Une diversité et une richesse que l'Académie du Goût vous propose de découvrir dans les grandes lignes.

Crédits : DR - FotoliaCouscous

Le terme « couscous » désigne aussi bien l'agglomérat de semoule de blé dur donnant les grains de couscous que le plat final composé de ces grains, de légumes, de viande ou de poisson. Le couscous peut être nature, salé, sucré voire sucré-salé. Mais avant que ces grains ne s'enivrent de tous ces différents parfums, une étape est primordiale : la préparation du couscous à partir de semoule de blé dur, fine ou moyenne (même les deux). Dans un premier temps, salez et versez un bon filet d'huile sur la semoule. Il est recommandé de la travailler dans un large saladier en bois (ou dans une gasaa, plat traditionnel en terre cuite) pour bien l'étaler et l'aérer et ainsi éviter la formation de grumeaux. Mélangez à l'aide d'une cuillère en bois ou avec le bout des doigts tout en humidifiant avec de l'eau (cela dépend de la quantité de semoule). Une fois que les grains ont bien gonflé, transvasez la semoule dans la partie haute du couscoussier, c'est la vapeur se dégageant de la partie basse accueillant les légumes et la viande qui cuira les grains.

Pour éviter que la vapeur ne s'échappe, placez un torchon, un joint en silicone ou un lut à la jonction du couscoussier. Dès que la vapeur traverse la semoule (soit après 10-15 minutes), remettez la semoule dans le plat. Commence alors l'étape de l'égrainage qui consiste à frotter, rouler la semoule entre les mains, sinon à l'aide d'une fourchette, d'une cuillère en bois voire d'un fouet, toujours en versant progressivement de l'eau, pour l'homogénéiser et bien l'aérer. Replacer ensuite la semoule dans le couscoussier et poursuivre la cuisson. Renouveler l'opération une troisième fois. Lorsque les grains sont bien tendres, remettre le couscous dans le plat et ajouter le beurre (ou du smen, beurre clarifié salé) juste avant de servir. Une solution plus rapide : le couscous précuit !

Crédits : DR - FotoliaSemoule de blé dur
Crédits : DR - FotoliaEtape de l'égrainage
Crédits : DR - FotoliaCouscoussier
Crédits : DR - FotoliaCouscous nature

Du couscous, des couscous

Semoule, pois chiche, viande ou poisson, ragoût de légumes, voilà de quoi se compose de manière générale un couscous. Du Maroc à la Tunisie en passant par l'Algérie, pour ne citer que ces pays, le couscous parle à tout le monde mais se cuisine de mille et une façons, suivant les produits de saison, les régions et les sensibilités de celui ou celle qui le prépare. Si en France le couscous royal - agrémenté de différentes viandes et de merguez - est la référence, dans ces pays, cette recette frôle l'hérésie. Après l'indépendance de l'Algérie en 1962, nombre de Pieds-Noirs regagnent la France avec, dans leurs bagages, le couscous. Une nostalgie qui a conduit la popularisation du couscous en France. Alors y a-t-il un couscous traditionnel propre à un pays ?

Le couscous marocain, un concentré de vitamines

Au Maroc, on peut dire que se distinguent trois couscous emblématiques : le couscous marocain traditionnel, le couscous aux sept légumes et la t'faya, un couscous au poulet, à la cannelle et aux raisins secs. Une sélection non exhaustive mais assez représentative. Carottes, navets, potiron, tomates, bœuf, agneau ou poulet, parfumés aux épices comme le safran, le gingembre, le ras-el-hanout, sans oublier les herbes aromatiques comme la coriandre, composent ce couscous marocain dit traditionnel. Certains rajouteront des pommes de terre ou des patates douces, ou des fèves par exemple. Dans le deuxième, tomates, courgettes, navets, carottes, potiron, chou, aubergines (les légumes peuvent varier) sont les sept légumes rentrant dans la composition de ce couscous que l'on peut agrémenter de bœuf, d'agneau ou de mouton. Un critère mettant tout le monde d'accord : le choix d'une seule viande et non d'un mélange de deux viandes pour parfumer le couscous. Pour les amateurs d'association sucrée-salée, la t'faya saura les satisfaire. Ce couscous aux raisins secs et aux oignons caramélisés parfumé à la cannelle est servi avec du poulet. Si cette épice vous rebute, attelez-vous à la réalisation du couscous de poulet aux raisins et aux oignons grelots caramélisés d'Alain Ducasse et sa variante safranée aux amandes torréfiées.

Crédits : DR - FotoliaPois chiche
Crédits : DR - Thomas DuvalCouscous aux sept légumes
Crédits : DR - FotoliaEpice ras-el-hanout
Crédits : DR - Thomas DuvalCouscous de poulet aux raisins

Le couscous algérien : plutôt sauce blanche ou sauce rouge ?

En Algérie, les variantes de couscous sont aussi nombreuses que le pays est vaste. Commençons par le couscous sauce blanche. Un couscous algérois à base de navets et de courgettes que l'on accompagne de viande de poulet ou d'agneau. L'appellation « sauce blanche » renvoie en réalité au bouillon clair obtenu de la cuisson des légumes et de la viande. Il contraste en ce sens à une autre préparation populaire, le couscous sauce rouge, couleur obtenue grâce à la tomate (fraîche, en concentré) et au paprika. L'autre caractéristique que l'on pourrait prêter au couscous algérien, la présence des cardons, une plante cousine de l'artichaut dont on ne consomme que les côtes. On peut retrouver ce légume dans un couscous au côtés de navets, de carottes ou de fèves par exemple. Légumineuse qui entre dans la composition du mesfouf, un couscous printanier sans sauce et sans viande qui peut être complété avec des petits pois. Une recette végétarienne tout comme la version quelque peu francisée signée Alain Ducasse. Un autre couscous représentatif de la culture culinaire algérienne : le couscous à la semoule d'orge, aussi appelé couscous noir préparé de la même manière que le couscous « classique ». Ce dernier se cuisine également au Maroc (couscous Belboula).

Le couscous tunisien, une ode au poisson

Crédits : DR - FotoliaCouscous de poisson

Même si la Tunisie compte parmi son patrimoine culinaire des couscous à base de viande, le couscous au poisson tient le haut de l'affiche surtout dans les villes côtières. Rougets, pageots, mulets, mérous sont autant de poissons qui entrent dans la composition de ces couscous de la mer. Alain Ducasse propose d'ailleurs sa version marine avec de la lotte, du bar et de la rascasse. Ces couscous à base de poissons peuvent être servis avec différents légumes (carotte, courge, pomme de terre, etc.). Ou sans (hormis les piments doux ou forts et la tomate pour la sauce) comme dans le couscous à la sfaxienne (ville portuaire de l'est de la Tunisie). Sa particularité : la couleur ocre de la semoule, car imprégnée d'une sauce à base de tomate, de curcuma, de paprika et de harissa. Il en est de même pour le couscous aux sardines ou pour le couscous au cherkaw - petit poisson argenté rappelant l'éperlan -, spécialité de la ville de Monastir où se tient chaque année un festival qui lui est consacré. Sur l'île de Djerba, les légumes sont bel et bien présents, ce qui inspire Alain Ducasse dans la recette de couscous bel hout. Il existe aussi de nombreuses variantes avec des fruits de mer (couscous au poulpe). En Sicile, dans la ville de Trapani, le couscous au poisson est aussi un plat traditionnel hérité de la présence arabo-musulmane au Moyen-Age, entre la moitié du Xe siècle et la fin du XIe siècle.

Les couscous sucrés, des variantes peu connues

Le couscous, qu'il soit salé ou sucré, revêt une dimension religieuse et festive. Il est souvent consommé après la prière du vendredi, lors de repas de famille et de grandes fêtes religieuses comme le Ramadan ou encore lors de cérémonies de mariages. Peu connus des non-initiés, le couscous sucré fait pourtant partie intégrante du patrimoine culinaire de ces différents pays. La seffa est un couscous sucré berbère à base de cannelle, d'amandes grillées ou de raisins secs saupoudré de sucre glace. On trouve également les mesfoufs, ces couscous sucrés (ce nom regroupe aussi les couscous salés aux petits pois) qui connaissent eux aussi de nombreuses variantes. Le mesfouf tunisien est garni de raisins secs, de pistaches ou encore de noix et de noisettes, mais on peut aussi en trouver aux dattes et aux amandes. Ces couscous sucrés sont souvent servis avec du thé à la menthe ou du lait fermenté (lben). Ce dernier rentre d'ailleurs dans la composition du saykouk, un couscous marocain à la semoule de blé ou d'orge. Une sorte de bouillie rafraîchissante particulièrement appréciée lors de fortes chaleurs. Le couscous le plus étonnant revient sans conteste au couscous à la lavande sauvage (couscous bel helhal) propre aux régions montagneuses comme Blida ou Cherchelle au Nord de l'Algérie. On peut aussi bien le manger sucré en guise de dessert saupoudré de sucre glace, que salé avec des légumes et de la viande.

Crédits : DR - FotoliaCouscous sucré
Crédits : DR - FotoliaSeffa
Crédits : DR - Thomas DuvalMesfouf tunisien
Crédits : DR - FotoliaMesfouf

Le couscous est un plat complet transgénérationnel et à la popularité sans faille qui se distingue par sa grande diversité de goûts, d'ingrédients et de saveurs. Mais il est intéressant de voir que le mot "couscous" renvoie aussi à des préparations de couscous insolites sans... semoule de blé. Le fonio et le mil, ces minuscules graines africaines sans gluten, peuvent faire office de base pour préparer un couscous. Plus inattendu, les couscous faits de chou-fleur ou de céleri-rave mixés comme le propose Thierry Marx dans sa recette de couscous de céleri aux amandes et aux raisins. Fais-moi du couscous chéri(e) !

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