Une carte de saison au Jardin des Plumes signée David Gallienne

" Ce sont plutôt les producteurs qui décident de la carte. J'ai une démarche différente, je vais d'abord rencontrer les producteurs, leur demander quels produits ils ont, et je leur demande surtout de me chercher le meilleur DANS la saison : il y a une saison dans la saison.

En général, je leur demande quinze jours avant le mois suivant, de me proposer des produits ; ensuite on ébauche avec des mots-clés, qu'on assemble, on pense à une histoire et comment la raconter, y ajouter une certaine sensibilité, en lien avec tous les voyages que j'ai pu faire.

Ma cuisine est assez ouverte sur le monde, sur les rencontres... Voilà, ça se dessine tout d'abord sur le papier, sous forme de croquis, je mets en œuvre, on goûte en équipe, et on réajuste s'il le faut. Ca ne se fait pas en un coup d'essai ! "

" Là, au mois d'octobre, pour Un oignon et Saint-Jacques dans l'esprit d'une soupe à l'oignon, c'est plutôt un souvenir d'enfance. C'est en quelque sorte pour rendre hommage à mon grand-père, qui m'a donné l'envie de faire ce métier. Il cultivait ses légumes, élevait ses volailles, ses lapins, pêchait la grenouille, cueillait les champignons, il m'a vraiment transmis cette passion pour le terroir.

On a aussi un cornichon à la carte, je suis parti de la recette de famille et me suis réapproprié la recette de la langue de bœuf sauce piquante. Ici, j'ai inversé les produits, j'ai mis le cornichon en avant et la langue de bœuf fumée au bois de hêtre pour le condimenter.

Ce mois-ci, il ne faut pas hésiter à privilégier les légumes racines, les tubercules et les cucurbitacées (et il y a tellement de manières de les cuisiner ! Par exemple, ce mois-ci on propose une Chakchouka avec des escargots produits chez nous, de la courge butternut, de l'ail, du piment, de la coriandre, persil, servie sur une crêpe feuilletée appelée Msemen, à l'huile de courge. "

" Ca fait partie intégrante de mon éducation, je la défends et elle est intrinsèque à ma démarche globale. Pour moi c'est naturel, tout petit je mangeais les produits de la ferme avec mes parents. J'ai cette sensibilité du goût et l'amour des bons produits depuis le plus jeune âge, c'est un héritage qui devient aujourd'hui transmission. "

" Quand suis allé au Pérou, on a mangé essentiellement dans la rue ou directement chez l'habitant. C'est là qu'on s'imprègne vraiment de la culture. La cuisine, c'est de l'échange, du partage et c'est la même recette à travers le monde.

Manger, c'est vivre donc il est important de l'entretenir et le transmettre. Cette source d'inspiration me vient souvent d'une cuisine de tous les jours ou encore de street-food que je réinterprète. "

"Bien au-delà du respect de la saison, ce sont aussi, pour moi, des engagements, des responsabilités. On est tous concernés et nous, les chefs, sommes quelque part des ambassadeurs. On composte, on double-trie, on a nos propres poules, et donc œufs.

On utilise tout dans le produit, de la graine de courge jusqu'à l'huile de courge. C'est un véritable engagement, pas seulement sur le papier. Et c'est le mettre au service de notre planète, pour les générations futures."

" Il y en a bien plus que 3 ou 5... c'est dur de choisir ! Je dirais tous les produits issus du maraîchage, mais je vais choisir la butternut pour l'hiver, avec Damien Lemarchand mon maraîcher qui est sur Saint-Pierre-la-Garenne, à 15 kilomètres d'ici. On travaille même ensemble sur la recherche des plants et des graines pour les saisons à venir. Il faut que le légume soit mis sur le devant de la scène. Je pars toujours du végétal et je viens greffer ensuite la protéine animale. Et même sans la protéine animale, le plat garde son sens. "

Pour se rendre au Jardin des Plumes, hôtel et restaurant de charme, rendez-vous en Normandie, et plus précisément à Giverny. Au cœur d'un parc arboré, ce lieu hors du temps a tout pour lui. Bucolique et gourmand.

Jardin Des Plumes, 1 rue du Milieu, 27620 Giverny.