Chinoise ou italienne, la pâte artisanale est une histoire de traditions
Par Victoria Houssay - 12 mai 2016
Un produit, une histoire

Qu'elles soient fraîches ou sèches, les pâtes sont loin d'être un aliment réservé à la fin du mois ou aux soirs peu inspirés. Véritable religion pour les Italiens (qui en consomment trois fois plus que les Français), les pâtes viennent pourtant... de Chine. De la botte à l'Empire du milieu, n'y aurait-il qu'un pas ?

Crédits : DR - FotoliaLes pâtes, un aliment du quotidien pas si ordinaire !

Plat universel chéri des étudiants fauchés comme des plus grands chefs, les pâtes sont la fierté des Italiens qui cuisinent spaghetti, rigatoni, pappardelle, penne et farfalle comme personne. Comment personne, vraiment ? Les pâtes sont aussi très utilisées dans la cuisine chinoise, et asiatique en général. C'est d'ailleurs du côté de la Chine que cette spécialité tire son origine. Alors que 10 000 ans avant J.-C, la grande production céréalière offrait des conditions optimales pour la découverte des pâtes dans le Croissant fertile, rien n'indique qu'ils en aient consommé. En Chine, malgré un environnement céréalier moins développé, des spécialités à base de farine de blé transformée en pâte pétrie et découpée en morceaux, puis fourrée voient le jour dès 1300 avant J.-C. Sans blé dur, leur culture pastière ne se limite cependant qu'à la pâte fraîche, qui restreint aussi bien la production que la créativité en matière de forme de la pâte ; problématique que n'auront pas les Italiens avec le blé.

Nouilles chinoises ou italiennes ?

La légende veut que ce soit Marco Polo qui ait introduit les pâtes en Italie, après ses voyages en Chine. Un mythe ! Dans leur ouvrage "Les Pâtes", Françoise Sabban et Silvani Serventi expliquent que "bien avant le retour du grand voyageur en 1296, la Méditerranée était le lieu d'un fructueux commerce d'obra de pasta, comme on appelait alors les pâtes alimentaires à Cagliari". Aujourd'hui, Italiens et Chinois consomment les pâtes fraîches et sèches. "Actuellement, dans la vie quotidienne en Chine, on préfère toujours les pâtes fraîches, les artisans/fabricants de pâtes fraîches sont très présents au marché, dans les magasins et dans la rue, c'est pour nous la meilleure façon de déguster les nouilles. Mais il y a aussi énormément de pâtes sèches vendues dans les magasins, chaque foyer en possède, ils sont faciles à conserver et pratiques à utiliser", précise Margot Zhang, du blog Recettes d'une Chinoise.

Crédits : DR - FotoliaLes nouilles ont toute leur importance dans la gastronomie chinoise

Deux cultures, deux écoles, des spécialités différentes : la nouille chinoise (et par extension les pays asiatiques voisins) et la pasta italienne ont leurs adeptes et leurs figures de proue. Installé depuis quelques semaines rue Traversière, Giovanni Passerini régale tout le XIIe, et plus généralement tout Paris de ses pâtes artisanales. L'ex-chef de chez Rino concocte à ses fidèles des recettes qui changent très régulièrement : chaque jour, trois types de raviolis sont sagement alignés en vitrine. Mortadelle, parmesan, noix de muscade ou ricotta de bufflone et épinards comptent parmi les recettes les plus populaires.

Justine Passerini, sa femme, nous explique que de temps en temps, on trouve des sobas semi-sèches (pâtes japonaises) au milieu des pastas. "A Omnivore, Giovanni les avait cuisinées froides, comme là-bas", rappelle-t-elle, "il trouve la rencontre entre les spécialités japonaises et italiennes intéressantes". Même son de cloche chez Denny Imbroisi qui n'hésite pas, dans d'autres recettes, à mélanger les genres : "chez Ze Kitchen Gallery, on faisait des ravioles de foie gras dans un bouillon de canard thaï. J'aime la pasta, mais aussi le gingembre et la citronnelle", résume celui qui fait fureur depuis l'ouverture de son restaurant Ida avec sa carbonara sans crèmes ni lardons. Une spécialité qui avait fait l'objet, il y a quelques années, d'une hilarante et virale diatribe de Floriana sur la véritable recette (à lire sur Slate).

Toscane vs Sichuan : le match culinaire du Fooding

Le lundi 6 juin prochain, le Fooding et Mastercard organisent, dans le cadre de leurs Priceless Soupers, un duel au sommet : Toscane vs Sichuan ! Le chef italien de Dilia, Michele Farnesi, et Cheng Le, chef de Trois Fois Plus de Piment (prix des Meilleures nouilles dans l'édition 2016 du guide), s'affronteront sur le thème de la pâte. Savoureuse compétition ? Plutôt une brillante communion autour d'un plat hautement fédérateur. Ce sera peut-être l'occasion de percer les secrets des chefs pour des pâtes réussies. Pour Denny Imbroisi, il faut "y mettre de l'amour, être serein et positif, savoir écouter la pâte. Même si c'est une science exacte, comme la boulangerie en France, ce n'est pas que mathématique : il faut savoir ressentir les choses, il y a beaucoup d'émotion". Le choix des produits entre en compte, aussi : chez Passerini, on nous a expliqué que "tout est déterminant, du type de farine à la qualité des œufs". Margot Zhang, elle, mise aussi sur la patience, car "le repos est indispensable pour une pâte à base de farine de blé".

Si vous souhaitez sauter le pas, découvrez les recettes de pâtes d'Alain Ducasse, de Frédéric Anton, de Joël Robuchon ou d'Alexandre Nicolas sur l'Académie du Goût.

Plus d'infos

  • Le Priceless Souper "Westernouille Spaghetti" aura lieu le 6 juin. Infos et réservations ici.

    • La pastificio Passerini est située au 65, rue Traversière dans le 12e. Horaires et numéros de téléphones ici.

    • Les recettes de Margot Zhang (et plus de renseignements sur ses cours ou ses livres) sont sur son blog.

    • Le site d'Ida, le restaurant de Denny Imbroisi

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