Avez-vous déjà dégusté du chocolat à l’ail ? Julien Duboué s’en est régalé toute son enfance. Premier resto marquant, premier râteau professionnel, premier livre, première idole gastronomique : retour en souvenirs sur son parcours déjà bien rempli.
Difficile de coller une étiquette à la cuisine de Julien Duboué : « terroir » ? Malgré l’amour du chef Landais pour les produits de sa région (maïs bio, canard des Landes, cochon Ibaiana, kiwi de l’Adour…), Duboué refuse de se cantonner à des recettes traditionnelles du Sud-Ouest. Fusion ? Trop galvaudé, même s’il est vrai que le chef d’A Noste semble adorer twister des recettes chères à l’Asie. Dans son ouvrage Sud-Ouest, paru chez Alain Ducasse Editions, on trouve par exemple une soupe Pho au foie gras, des rouleaux de printemps au magret et aux gésiers de canard, entre autres recettes « thaï-landaises ». La bonne nouvelle, c’est qu’en vrai électron libre, Julien Duboué n’a que faire de rentrer dans une case. Bosseur, bourré de talent, doté d’une forte fibre entrepreneuriale et d’un caractère bien trempé : il a fait du chemin depuis sa participation à Top Chef en 2014. Pour l’Académie du Goût, il a accepté de revenir sur ses premières émotions culinaires.
Première émotion culinaire ?
Je me souviens beaucoup d’un goûter de ma grand-mère paternelle. L’après-midi, elle nous donnait des sandwichs frottés à l’ail avec de la Vache Qui Rit® et du chocolat. C’était très bon ! Ça, c’est un souvenir marquant (rires) ! Je n’ai jamais eu le cran de retravailler cette association, mais je pense qu’au-delà de l’affection familiale, il y a une dimension organoleptique qui marche dans ce mariage.
Premier resto marquant ?
Avant d’entrer dans un lycée hôtelier, je n’avais quasi jamais mangé dans un restaurant ! Le premier choc, c’était le Plaza Athénée : un suprême de volaille à la sauce Albufera d’Alain Ducasse. Mon premier dîner dans un trois étoiles, un moment qui m’a marqué ! À l’époque, j’étais au Georges V, donc je devais avoir 22 ou 23 ans.
Première idole gastronomique ?
Jean Coussau, qui a deux étoiles à Magescq, au Relais de la Poste ! C’est une des premières personnes que j’ai rencontrée en cuisine. J’ai fait un premier stage là-bas, j’ai tellement aimé ça que j’ai passé toutes les vacances d’été qui ont suivi chez lui. J’ai beaucoup appris auprès de lui, et nous sommes restés très proches. Il a d’ailleurs préfacé mon livre Sud-Ouest.
Premier livre ?
J’ai fait quelques livres cosignés avec d’autres chefs, et Sud-Ouest a été le premier à mon nom… Ça faisait cinq ans que Philippe Boé me poussait à le faire, mais je ne me sentais pas encore légitime. Mes amies des éditions Alain Ducasse ont réussi à me convaincre (rires). Nous avons mis 8 mois à le faire, et je trouve qu’on a réussi à montrer ce qu’était A Noste, à mettre en avant les producteurs avec lesquels on travaille. Il y a aussi les recettes du restaurant, mais aussi d’autres, plus anciennes, du resto Afaria !
Premier râteau professionnel ?
J’en ai eu un énorme, qui m’a fait beaucoup de mal… Au Drouant, j’ai accepté la place de chef en sachant que mon projet, à court terme, serait d’ouvrir mon propre resto. Je ne m’en suis jamais caché, au contraire : Antoine Westermann me soutenait, on en avait beaucoup discuté, il a même proposé de me prêter de l’argent. Je me suis énormément investi là-bas, je bossais 19 heures par jour, j’ai tout fait pour partir dans de bonnes conditions. Quand j’ai voulu partir un an plus tard, Westermann ne m’a pas soutenu, bien au contraire ! Je suis rancunier et ça m’est resté en travers de la gorge, surtout après en avoir fait autant.
Premier plat réalisé ?
Parmi les plus vieux, il y a la feuille de boudin aux pommes, en entrée : comme un millefeuille avec une compotée de pomme, surmontée d’un étage de boudin, et une croûte moutarde et piment d’Espelette. Ou ce magret de canard en coffre, servi entier sur le sternum pour garder tout le jus ! Il est encore à la carte ici.
Premier raté ?
Quand on a ouvert à Afaria, on ne s’est pas pris la tête pour la carte. J’ai voulu refaire des plats que je faisais à mes potes, avec lesquels je m’étais entrainé pendant six mois chez moi ! Sauf qu’entre cuisiner pour dix personnes, et faire 85 couverts par jour, il y a un monde. Il y avait donc cette salade de fruits avocat/gingembre avec des cubes d’aloe vera. Elle était servie avec une émulsion de blancs d’œufs prise au congélo dans une tasse. Quand il a fallu le faire en quantité, avec toutes ces tasses, c’était une vraie galère ! Mathieu, mon premier employé qui bosse avec moi depuis des années, s’en souvient encore ! Ndlr : il interpelle Mathieu et lui reparle de « ces glaçons chez Afaria ». Effectivement, Mathieu s’en souvient, hilare.
Prochain projet ?
Travailler le maïs bio de Jon Harlouchet : il concasse lui-même sa propre variété avec une meule, et nous prépare des moutures spéciales. Le maïs souffre d’une mauvaise image en France, à cause des OGM. Lui, il n’a que 30% de rentabilité… Forcément, le produit s’en retrouve plus cher mais il est d’une qualité incomparable ! J’adore son travail, et j’avais dans l’idée de faire quelque chose autour du maïs depuis un voyage aux Etats-Unis. On a donc élaboré une carte avec plusieurs recettes : un maïsotto, des croque-monsieur au maïs, des desserts… Voilà le projet ! Et continuer à être bien dans ma vie familiale, et bien dans ma vie professionnelle.