Emeline Aubry confectionne des pâtés en croûte (renversants) à Saint-Maurice-lès-Charencey, dans l’Orne. Un travail d'orfèvre qu'elle partage avec passion. Rencontre avec une cheffe au sommet de son art.
Comment le pâté en croûte est-il entré dans votre vie ?
Je suis en cuisine depuis dix ans. J’ai démarré avec des chefs comme Amandine Chaignot, Eric Gairian, Yannick Alléno, Alain Passard. Au moment du confinement, je faisais beaucoup d'évènementiel. J’avais créé une table pour des dîners privés, dans l’Atelier du Peintre, mon mari Olivier Masmonteil. Je donnais des cours de cuisine au Ritz, j’accompagnais Amandine Chaignot, Alessandra Montagne, dans leurs évènements à l’extérieur.
Quand le Covid est arrivée, ma famille m’a demandé d’organiser pour eux des petits ateliers de cuisine en ligne, pour qu’on se retrouve. Très vite, ils m’ont proposé de faire des pâtés en croûte. J’en avais jamais fait, eux non plus, et à la fin du confinement on a partagé ce pâté en croûte... incroyable.
Qu'est-ce que ce produit a de spécial ?
C’est un plat incroyable, à la fois très technique et créatif. Il m’a mis le cerveau et tous les sens en ébullition. Il me plait beaucoup car il demande des compétences très différentes, de pâtissier, de charcutier, de cuisinier. C’est aussi un puits sans fond de créativité, on peut s’amuser sur les recettes.
Je prends encore plus de plaisir, je crois, sur les décors. Je fais des pâtés en croûte sur mesure. On me donne parfois des thèmes et je construis mes décors. J’y mets des fleurs, de la dentelle, de la poésie. Pour moi c’est de la poésie ! Je dirais même que le pâté en croûte est un humanisme. Il y a beaucoup d’humanisme dans ce plat.
Comment travaillez-vous au quotidien ?
Je n’ai pas de boutique mais suis installée dans l’ancienne cantine scolaire de Saint-Maurice-Les-Charencey, où J’ai choisi de commercialiser mes pâtés en croûte en vente directe. Les gens m’appellent parce qu’ils ont un projet en tête, un anniversaire, un mariage… parfois on me demande de dessiner les armoiries d’une famille. Je les vends aussi parfois sur le marché de Mortagne au Perche le samedi matin avec l’éleveur avec lequel je travaille.
Si on n’est pas dans le Perche, on peut retrouver les produits sur Pourdebon.com. Chronofresh vient chercher les pâtés en croûte le jeudi matin et le vendredi matin, ils sont livrés partout en France, directement au consommateur.
Quel soin accordez-vous au sourcing des produits que vous cuisinez ?
Dans mon passé de cuisinière, j’ai travaillé avec des cheffes et des chefs qui avaient une notion très précise des produits. J’ai cherché tout de suite pour mon pâté en croûte, celui qui m’a permis de participer à la finale du Championnat du Monde, en 2021, un porc de plein air. C’était mon pré-requis. J’ai trouvé dans le Perche un éleveur de cochons de Bayeux, une race rustique élevée au près toute l’année. Ils sont abattus entre seize et vingt mois. Ceux qu’on trouve communément sur nos étals vivent en moyenne quatre mois. C’est un vrai bon cochon, une belle matière première.J’utilise aussi la Poularde de Culoiseau, un très beau produit que j’ai découvert quand je travaillais avec Alain Passard.
Ce sourcing permet de mettre en avant le goût des ingrédients. J’utilise assez peu d’épices, peu d’alcools forts non plus. Mes pâtés en croûte sont finalement assez simples dans leur composition. Parfois j’aime bien mettre du foie, du coeur de cochon, des abats, de la langue, des choses comme ça. Ce qui caractérise mes pâtés en croûte c’est aussi l’assaisonnement un peu tonique sur le poivre. J’aime bien quand c’est relevé. Et je fais une gelée naturelle, c’est mon régal. Je démarre un jus de viande de cuisinier, dans lequel je mets plein d’os, de pieds de cochon, de pieds de veau, de couenne, de groins, pour que la gelée soit naturelle. Je n’ajoute casi pas de poudre de gélatine. Quand la gelée fond à la chaleur du palais, c’est le signe d’une très bonne gelée naturelle.
Fut un temps, le pâté en croûte c’était une recette où on utilisait les bas morceaux, les parures du cochon. Pour mes pâtés en croûte, je choisis les parties nobles comme l’échine ou la poitrine. Je fais aussi attention à ne pas y mettre d’additifs, en particulier de sels nitrités. Ils donnent une jolie couleur mais le goût ne me plait pas, et on n’en a pas besoin dans notre alimentation. C’est comme le jambon : il est très bon sans sel nitrité. C’est vrai, ça le rend rose, mais les princesses ne sont pas toutes roses et les cochons non plus quand ils cuisent. Ils sont un peu pâles mais c’est comme ça que j’aime la charcuterie et je fais attention à ne pas tomber dans ce piège des sels nitrités.
Une recette qui vous tient à coeur ?
En ce moment, c’est celle au boudin noir. Je suis dans le berceau du boudin noir, Mortange au Perche. Il y a même une foire et un concours international autour du pâté en croûte organisé à cette occasion. J’ai mis au point une recette autour de ce produit. Le boudin est fabriqué avec le sang des cochons de Bayeux. Je mets plein de couleurs dedans, de la courge, des pistaches, des noisettes, de la volaille, du gras dur en petite brunoise, c’est une mosaïque hyper jolie. J’y ajoute de l’échine aussi, pour différentes teintes. Il y a aussi des herbes, des oignons confits, une recette dont je suis très fière.
Retrouvez les étapes de la recette du Pâté en croûte au boudin noir, volaille et fruits secs
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