Cette boisson est partout. Il n’est pas nécessaire de mener une enquête à grande échelle pour se rendre compte que nous en consommons au quotidien : fromages, yaourts et autres laitages viennent enrichir nos menus. Ses bienfaits sur l’organisme ont été largement vantés. Pourtant, le lait est sujet depuis quelques années à une importante remise en question. Plus encore, il est aujourd’hui vivement critiqué : différentes polémiques ont vu le jour, remettant en doute, plus que sa non-nécessité, sa possible nuisibilité pour l’adulte. Alors, nocif ou vital ?
Ces interrogations viennent chambouler ce qui ressemblait à un ordre bien établi et à un consensus public. Après tout, il s’agit du premier aliment que nous consommons, et il est naturellement produit par l’organisme de la femme. Et puis, comment ignorer l’engagement des pouvoirs publics à travers les campagnes de sensibilisation, notamment à la télévision : « Consomme trois ou quatre produits laitiers par jour », « Les produits laitiers sont nos amis pour la vie ». Tout le monde a déjà vu, entendu ou lu ces slogans. Ils ont été martelés, pourraient dire certains. Impossible de les ignorer, d’y échapper. Il suffit de les entendre une fois et hop, on est parti pour garder en tête toute la journée cette maxime aux allures de comptine. Raison de plus, s’il en faut une, pour nous intéresser de plus près au lait et à ses effets sur notre organisme.
Lait maternel humain VS lait de vache : du pareil au même ?
Quel mammifère autre que l'homme consomme du lait une fois atteint l’âge adulte ? Et plus précisément, lequel boit du lait qui n’est pas celui produit par sa propre espèce ? Ces questions pourtant simples interpellent dès lors qu’on se les pose. C’est-à-dire que le lait maternel et le lait de vache, le lait animal le plus consommé, ne sont pas de composition identique.
Deux différences majeures. Le lait de vache contient beaucoup plus d’acides gras saturés : ces acides sont à grosses molécules, et quand ils sont en surplus, ces derniers bouchent les artères, pouvant ainsi engendrer des réactions inflammatoires. Cependant, pour les enfants en bas-âge, la composition du lait de vache (taux de matières grasses et quantité) varie et s'adapte en fonction de leurs besoins. Et puis le lait de vache contient davantage de phosphore que de calcium, si bien que notre organisme, pour l’ingérer, doit compenser cette différence. Il puise alors du calcium dans le système osseux, ce qui est ni plus ni moins une déminéralisation. Autrement dit, les bienfaits du lait solidifiant nos os et permettant d’échapper aux fractures sont clairement remis en cause. Intervient également, par conséquent, la question du bio : cela n’est plus un secret, les animaux de nos élevages ne pâturent pas tout au long de leur vie. Aussi, notre lait n’est pas à dissocier des additifs, antibiotiques et autres pilules donnés aux vaches… Cela fait beaucoup de paramètres à prendre en compte. Alors même que depuis près de 80 ans il est possible d’entendre à tous les coins de rue que plus nous consommerons du lait, mieux nous nous porterons.
De la nutrition à la politique
Mais le lait est-il seulement indispensable à notre organisme ? L’Anses, l’Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, présente les recommandations quotidiennes en calcium suivantes : 500 mg chez le nourrisson, 900 chez l’enfant de 7 à 9 ans et l'adulte, 1 200 chez l’adolescent. Durant nos premières années, notre formation osseuse est en pleine activité, un apport en calcium est alors essentiel. D’où la nécessité de nourrir le nourrisson de lait maternel ou maternisé, puis de pourvoir à ses besoins en calcium tout au long de sa vie « grâce aux produits laitiers », pourrait-on réentendre à télé. Ces recommandations ont été largement soutenues par la Cniel – le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière –, organisme à l’origine des différentes campagnes publiques (« Le lait et les produits laitiers fournissent des éléments essentiels au maintien de son état de santé », peut-on lire sur son site) et surtout celui là-même qui produit et vend le lait que nous trouvons en brique, en bouteille dans chacun de nos supermarchés, supérettes, épiceries.
Publicité 2012, Les produits laitiers sont nos amis pour la vie.
Entrent alors en jeu l’économie, comme dans toutes les industries, certes, sauf que toutes ne s’accompagnent pas de recommandations santé soutenues par les pouvoirs publics. C’est cette fois-ci la politique qui fait son entrée. Le 7 mars dernier, José Bové était l’invité politique de l’émission hebdomadaire On n’est pas couché pour présenter son ouvrage L’Alimentation en otage, consacré au système agroalimentaire mondial. Quelques minutes ont été consacrées au lait, sujet sur lequel son opinion est plutôt claire : « Il y a des accords entre les lobbies du lait et l’Éducation nationale […]. Les produits laitiers sont nos amis pour la vie, tout ça c’est faux ! Si on a demandé aux Français de boire autant de lait, c’est pour écouler nos stocks notamment. »
Thierry Souccar, journaliste scientifique, s’est intéressé aux effets du lait dans son ouvrage Lait, mensonge et propagande, paru en 2007 et réédité depuis afin d’inclure les études les plus récentes. Il rejoint José Bosé sur la connivence entre l’industrie laitière et les nutritionnistes. Il nuance toutefois son propos sur le plan nutritionnel : si le lait n’est certes pas un poison pour notre corps, il ne doit pas être bu sans aucune limite.
Les laitages, seuls sources de calcium ?
10 à 30 % des Français sont intolérants au lactose. Le nombre peut surprendre. Ce sucre, présent en grande quantité dans le lait, n’est pas digéré par tous. Sa digestion est rendue possible grâce à une enzyme, la lactase, produite en grande quantité chez les nourrissons et les enfants, mais plus faiblement chez l’adulte. Aussi, certains organismes ne la produisent plus en quantité suffisante, si bien que le lactose n’est pas absorbé par l’intestin : il fermente au niveau du côlon et provoque des troubles intestinaux, des diarrhées, des nausées, des douleurs musculaires, etc. Où trouver du calcium, alors ? Dans les yaourts, fromages et autres laitages, qui n’ont pas une teneur en lactose aussi élevée que lait. Mais les produits laitiers ne sont pas les seuls à en contenir : légumes, fruits secs, féculents, poisson et mêmes certaines eaux minérales ne sont pas à oublier ! En tête, l’algue wakamé (1 300 mg pour 100 g !), les sardines (400 mg pour 100 g), le persil, les amandes (250 mg pour 100 g), et les épinards (168 mg pour 100 g), etc. Le lait, indispensable ?
Une actualisation transparente de ces différentes données, vierges de tout rapport à l’industrie, pourrait calmer les esprits les plus critiques et réfractaires. Faire page blanche serait la solution. Mais est-il raisonnable de penser que des dizaines d’années de pratique alimentaire soutenue publiquement pourraient complètement muter ? Le lait, ou quand l’économie, la politique et la culture se croisent.
Sources :
http://www.produits-laitiers.com
http://www.e-sante.fr/
http://www.vulgaris-medical.com>
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