Après la folie du quinoa et la frénésie du chou-kale, quel superaliment les supplantera dans les années à venir ? Le fonio, une céréale d’Afrique de l’Ouest est peut-être la candidate idéale. Riche en protéines et sans gluten, cette graminée qui jouit d'un regain d'intérêt en Afrique, redynamise l'économie locale et part à la conquête l'Occident. Zoom sur cette nouvelle graine-mère.
L'heure est au bien-être. Préserver sa santé devient plus que jamais un impératif, et cela passe aussi par les aliments. Régime détox ou paléo, consommation d'alicaments comme les baies de goji ou les graines de chia, autant de comportements qui modifient le rapport à la nourriture, parfois jusqu'à se perdre. Manger revient à se soigner et manger sainement devient une obsession. C'est ce que l’on appelle l’orthorexie ou quand le plaisir devient une chimère. Sans tomber dans ces travers, certains ajustements alimentaires sont requis pour éviter intolérances et allergies comme celles provoquées par le gluten. Une protéine contenue dans les céréales comme le blé ou le seigle déclenchant la maladie cœliaque que intolérants au gluten ou non tentent d'éliminer de leur alimentation. La folie du sans gluten a fait surgir de nouveaux aliments peu connus des Occidentaux. Parmi eux, le teff et le fonio. Deux céréales africaines sans gluten prêtes à conquérir les addicts d’une cuisine saine et les curieux désireux de découvrir un nouvel aliment.
Le fonio, le germe du monde
Cultivé depuis plus de 5000 ans en Afrique de l’Ouest (Mali, Guinée, Burkina Faso, etc.), le fonio (digitaria exilis), est une céréale qui se présente sous la forme de très petites graines. Elles ne mesurent pas plus de 1,3 mm et 0,8 de diamètre. Sans gluten et aussi riche en protéines que le blé (il comporte toutefois légèrement plus de glucides), le fonio renferme des propriétés nutritionnelles très intéressantes, en plus d'être rassasiant. D'où ce regain d'intérêt que porte cette partie de l'Afrique pour cette graine sacrée qui représente le germe du l'univers dans la cosmogonie Dogon. Autrefois considéré comme l’aliment des pauvres car base de l’alimentation des populations rurales, le fonio est désormais un produit de luxe - 1200 francs CFA (1,83 euros) le kilo, soit trois plus cher que le riz - que convoite la bourgeoisie urbaine d'Afrique de l'Ouest.
En Europe et en Amérique du Nord, le marché du fonio est encore confidentiel. Des personnalités comme Pierre Thiam, un chef sénégalais installé à New-York a l'ambition de faire connaître ces petites graines aux Américains et d'en favoriser l'exportation. En France, la marque équitable Racine exporte et conditionne le fonio qu'elle commercialise décortiqué et précuit. Une bonne chose selon Jean-François Cruz (*), chercheur au Cirad (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement) qui préconise de commercialiser le fonio blanc précuit pour confronter les nouveaux consommateurs avec un produit plus neutre que le fonio complet par exemple. « C'est une contre-publicité, c'est contre-productif de vendre du fonio complet ou semi-complet », assène Jean-François Cruz, même s'il admet que c'est son propre avis. Le risque de rancissement étant accentué par la présence du germe. Il déplore que certains surfent sur une tendance sans vraiment connaître le produit.
Le fonio, une graine salvatrice ?
Pour l'heure, dans ces pays d'Afrique de l'Ouest, ce sont les aspects économiques, culturels et sociaux découlant de la culture du fonio qui priment. « Il est intéressant de la mettre en valeur, de revaloriser localement cette graine », poursuit Jean-François Cruz. Cet aliment ancestral que redécouvrent les populations africaines permet de diversifier l'alimentation, de faire une rotation entre le riz, le sorgho et le millet par exemple, mais surtout de redynamiser l'économie locale. La culture du fonio a favorisé « l’émergence de petites entreprises de transformation » comme le Koba Club Kedougou où les femmes, appelées transformatrices, dessablent (étape la plus fastidieuse et importante), décortiquent, sèchent, précuisent et conditionnent le fonio. Si le fonio peut se semer à la volée dans des zones arides et sur des sols pauvres, sableux ou caillouteux, sa récolte ainsi que les nombreuses étapes post-récoltes pour obtenir des graines saines pour la consommation sont fastidieuses. Le battage avec des bâtons ou par foulage, le décorticage ainsi que le blanchiment représente un travail long et harassant avec en première ligne, les femmes, les plus concernées.
Pour simplifier le travail de ces transformatrices, le Cirad, qui a pour mission de développer la recherche agronomique en valorisant les ressources locales, a permis la mise en place de machines comme le décortiqueur. Les tests pour la mécanisation du dessablage sont en cours. Des améliorations technologiques qui ont pour but d'améliorer la qualité du fonio, d'intensifier son rendement et ainsi garantir une sécurité alimentaire et de sauvegarder sa culture encore fragile. « C’est une céréale qui risque de disparaître », renchérit Jean-François Cruz. Dans certains pays la culture du maïs s’est substituée à celle du fonio. D'où le rôle important de la mécanisation du processus post-récolte. Mais les récents conflits au Mali et le virus Ebola ralentissent quelque peu la mission, comme l'explique le chercheur. L'agriculture a un rôle important dans le développement des sociétés et de leur économie, le Pérou l'a bien démontré avec la culture du quinoa. Mais les conséquences d'une mono-culture et d'une exportation à outrance ont montré ses limites, même si l'économie locale s'est nettement améliorée : en trente ans, le prix du quinoa s'est envolé, et les terrains se sont appauvris à cause de la culture exclusive de cette pseudo-céréale. Un paradoxe que les cultivateurs, transformatrices et exportateurs de fonio devront prendre en considération si une explosion des exportations se fait sentir, et ainsi éviter le « syndrome du quinoa ».
Reportage du National Geographic sur le fonio
(*) Le fonio, une céréale africaine, Jean-François Cruz, avec la collaboration de Famoï Béavogui et Djibril Dramé, Edition 2011, 160 pages.
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