Tradition : La bûche de Noël sort du bois
Par Deborah Koslowski - 5 déc. 2017 - Mis à jour le 23 nov. 2021
Un produit, une histoireNoël en fête

Que serait le dîner de réveillon sans son traditionnel point d’orgue qu’est la bûche ? Génoise roulée et garnie de multiples saveurs avant d’être soigneusement décorée, elle fait le bonheur des petits et grands le 24 décembre au soir. Histoire d’une gourmandise millénaire.

Crédits : DR- Stock AdobeParce que les cheminées ont peu à peu disparu des logis, les bûches pâtissières sont venues suppléer les traditionnels rondin de bois.

La bûche ? Un savant mélange de textures et de saveurs. C’est d’abord un biscuit moelleux et rectangulaire, généreusement imbibé de sirop. Celui-ci est ensuite nappé, selon les goûts, de crème au beurre, de marmelade de clémentine et de crème de marrons à l’image de la bûche Mont-Blanc pensée par Alain Ducasse, de chocolat ou de chocolat accompagné de confiture de framboise, d’une crème légère au mascarpone aromatisée à la crème de marrons et même de fruits exotiques comme l’a jadis prouvé Christophe Michalak au travers de sa réalisation ultra flashy. Il est ensuite roulé de manière à former un cylindre semblable à un rondin de bois, et décoré de crème, de crème chantilly, de fruits, de biscuits, de meringues et/ou de figurines en plastique censées représentées Noël et l’hiver. Pour autant, la bûche n’a pas toujours été ce plaisir sucré ayant pour mission de conclure le repas de fête en apothéose.

La bûche, une tradition millénaire

Afin de célébrer le solstice d’hiver, il y a fort longtemps, les familles avaient pour rituel de faire brûler une énorme bûche de bois dans l’âtre de la cheminée. Généralement issue d’un arbre fruitier à l’instar du chêne, les fruits étant un symbole d’abondance, elle devait se consumer très lentement (parfois jusqu’à l’Épiphanie, soit 12 jours après Noël !) et faire de hautes étincelles à l’allumage, pour prémunir des mauvaises récoltes et porter bonheur. “L’histoire de la bûche est difficile à écrire”, explique cependant Nadine Cretin, historienne des fêtes spécialisée en anthropologie religieuse. “Il est attesté que sa naissance date du Moyen Âge, vers le XIIIe siècle. Mais son apparition est sans doute antérieure puisqu’on retrouve cette coutume au sein d’autres civilisations.” Huile, miel et/ou vin étaient parfois versés dessus en offrande. Du gros sel pouvait également être jeté sur la bûche enflammée afin de protéger la demeure des sorcières et autres mauvais esprits.

Les tisons de la bûche consumée étaient quant à eux conservés puis remis au feu en cas de coup dur pour rompre les malheurs. Ils permettaient également d’allumer la bûche du Noël suivant. Les cendres, par superstition, n’étaient pas non plus entièrement jetées puisqu’elles servaient à protéger des accidents, notamment ceux causés par la foudre.

La pâtisserie au service de la tradition

Le temps passant, les cheminées aux âtres immenses ont peu à peu laissé place aux poêles en fonte, dénués d’âtres. Comment donc perpétuer la tradition de la bûche dans ces conditions ? Grâce à la pâtisserie. Les sources sont multiples et beaucoup se contredisent : de nombreux pâtissiers se disputent la paternité de la bûche telle que nous la consommons à Noël aujourd’hui. A-t-elle été créée en 1834 par un des ouvriers pâtissiers de l’hôtel La Vieille France à Paris ? Tire-t-elle ses origines du traditionnel “gâteau roulé de Noël” natif de la région Poitou-Charentes au XIXe siècle ? Est-ce Pierre Lacam, historien, grand pâtissier et glacier de Charles III, Prince de Monaco, qui l’a imaginée, recettée et consignée dans son Mémorial de la pâtisserie en 1863 ? D’après l’historienne Nadine Cretin, cette dernière hypothèse est à écarter : “Pierre Lacam n’a travaillé que deux ans durant pour le Prince Charles III. Et dans son livre, il met en avant les recettes d’autres maisons. Ce qui prouve bien qu’il n’est pas le père de la bûche !” Mais, qui alors ? “La bûche n’est ni plus ni moins qu’une génoise roulée, de nombreux pâtissiers ont pu avoir l’idée en même temps. Néanmoins, c’est à Quillet, un pâtissier parisien, que l’on attribue la paternité de la bûche : il a inventé la crème au beurre vers les années 1870.”

Ce n’est toutefois qu’en 1945, après la Seconde Guerre mondiale que la bûche s’est démocratisée d’abord en France, puis partout dans les pays francophones. “Je ne peux pas l’assurer, détaille Nadine Cretin, mais après la guerre, Noël s’est uniformisé. La bûche doit faire partie de cette uniformisation.”

La bûche, un dessert et des symboles ?

Comme sa consoeur faite de bois, la bûche (pâtissière ou glacée, c’est vous qui voyez selon ce que vous préférez) réunit les familles pour un convivial moment de partage : de quoi réchauffer coeurs et âmes ! C’est pourquoi, traditionnellement, elle conserve cet aspect de rondin dont les rainures sont généralement tracées à la fourchette et rappellent l’écorce. La couleur va aussi dans ce sens : “Les premières bûches étaient au chocolat, décorées de pistaches finement hachées pour donner une impression de lichen sur les pâtisseries”, explique la spécialiste. Mais leur symbolique n’est pas vraiment la même : “La bûche en bois, c’est le solstice d’hiver, la nuit et le feu protecteur. La bûche pâtissière, c’est plus la tradition : l’abondance attire l’abondance. C’est pour cette raison qu’elle vient à la fin d’un repas copieux.”

Aussi, si on ne verse pas de vin sur la bûche à manger pour éloigner le mauvais oeil, on peut néanmoins puncher sa génoise à l’aide d’un sirop relevé de rhum ou de kirsch. Une façon comme une autre d’apporter du bonheur à table par le biais de la gourmandise.

Marrons, raisins secs, clémentines… Les fruits ont eux aussi toute leur place dans ce traditionnel dessert français (les Italiens ont le panettone, les Alsaciens le kouglof, les Allemands le stollen et les Britanniques, le pudding...) : ils rappellent la bûche d’arbre fruitier censée apporter l’abondance à la famille et sont synonyme de félicité et de piété (on les retrouve souvent dans les 13 desserts de Noël dont l’origine est provençale et doit rappeler Jésus et ses 12 apôtres). Il n’est toutefois pas recommandé d’en conserver une part pour l’année d’après : le but reste de passer un bon moment, pas de s’intoxiquer…

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