Le 20 novembre dernier, Alain Ducasse recevait, au Plaza Athénée, le chef péruvien star Gastón Acurio, dans le cadre des Rendez-vous culinaires organisés par le grand chef français. L’Académie du Goût s’est glissée dans les coulisses de cet événement gastronomique.
Au fil de ses voyages, Alain Ducasse rencontre, aux quatre coins du monde, des chefs qui partagent sa vision de la cuisine, une cuisine inspirée par les goûts authentiques des produits, une cuisine de la naturalité. Pour faire découvrir ou redécouvrir ces talents, il a imaginé Les Rendez-vous culinaires. Six grands chefs prestigieux, représentatifs de la cuisine d’aujourd’hui, y ont déjà participé : Alex Atala, D.O.M., São Paolo (janvier 2012), Da Dong, Da Dong Roast Duck, Pékin (mai 2012), Dan Barber, Blue Hill at Stone Barns, New York (octobre 2012), Yoshihiro Murata, Kikunoi, Kyoto (décembre 2012), Tom Kitchin, The Kitchin, Édimbourg (juin 2013) et Massimo Bottura, Osteria Francescana, Modène (septembre 2013). Pour son septième Rendez-vous culinaire au Plaza Athénée à Paris, Alain Ducasse a donné carte blanche à Gastón Acurio, le chef du restaurant Astrid y Gastón Casa Moreyra, à Lima au Pérou. Si Gastón Acurio est le chef le plus célèbre d’Amérique du Sud, il est encore assez méconnu en France. Le déjeuner organisé le 20 novembre dernier pour une soixantaine de journalistes et amateurs éclairés, était l’occasion de découvrir l’univers de ce chef de talent ainsi que les saveurs de la cuisine péruvienne.
De Paris à Lima
Gastón Acurio est né en 1967 à Lima, au Pérou. Après avoir entamé, sans grand enthousiasme, des études de droit sans sa ville natale puis à Madrid. Passionné par la cuisine et faisant fi des ambitions paternelles, il s’inscrit dans une école hôtelière puis, abandonne définitivement toute velléité de devenir avocat, il part à Paris pour suivre des cours au célèbre Cordon Bleu. Il trouve une place de chef chez Je thé... me, le bistrot de Jacky Larsonneur, dans le XVe arrondissement. Pour le jeune péruvien, le souvenir de cette première expérience reste vif : « J’ai découvert le bonheur d’aller faire mon marché, de faire ma carte. De proposer à une clientèle qui était tout de même assez exigeante, des recettes simples mais savoureuses. Et puis, pour un jeune homme qui rêve de cuisine, être à Paris signifiait beaucoup : c’était la capitale de la cuisine, là où étaient tous les cuisiniers que j’idolâtrais », se rappelle-t-il. C’est aussi à Paris qu’il rencontre celle qui deviendra sa femme, Astrid Gutsche, une pâtissière d’origine allemande. Le couple décide de rentrer au Pérou pour ouvrir un restaurant. À l’été 1994, Astrid & Gastón ouvre ses portes à Lima. L’établissement propose une cuisine française impeccable et c’est ce que la clientèle attend de lui. Pourtant, Gastón Acurio n’est pas entièrement satisfait. Peu à peu, il introduit dans sa cuisine des produits péruviens et des recettes de son enfance. « Au bout d’un an ou deux, je ne savais plus si je faisais de la cuisine française ou de la cuisine péruvienne », explique-t-il. Il choisit alors de se tourner vers la cuisine de son pays.
En 10 ans, le restaurant Astrid & Gastón se taille une réputation mondiale et obtient de nombreuses distinctions. Gastón Acurio poursuit son développement avec la création, en 2003, à Lima, de Tanta, un bistrot à la péruvienne qu’il développera ensuite à Santiago, Bogota, Panama, Quito, Chicago, Barcelone et Madrid. En 2005, toujours dans la capitale péruvienne, il lance La Mar, un restaurant de poisson implanté aujourd’hui à San Francisco, Miami, Mexico, Santiago, São Paolo, Panama, Bogota et Londres, l’année prochaine. En 2009, à Lima, il ouvre Panchita, une anticucheria (restaurant de brochettes), pour rendre hommage à la culture culinaire spécifique de la capitale du Pérou et, dans le même esprit de valorisation de la cuisine péruvienne régionale, il crée Chicha à Arequipa et Cuzco. En 2011, pour saluer la rencontre des cuisines chinoise et péruvienne, il ouvre Madam Tusan à Lima, Bogota et Santiago. De même, le restaurant Los Bachiche, créé en 2012, illustre l’influence de la cuisine italienne sur la cuisine péruvienne. Toujours en 2012, Gastón Acurio ouvre à Lima Papacho’s - un restaurant qui revisite les recettes de fast food mais avec une approche saine, naturelle et locale - et Melate Chocolate, une chocolaterie. En parallèle, le chef proactif se dépense sans compter pour promouvoir la cuisine péruvienne. Il rédige ainsi une vingtaine de livres, dont 500 Años de Fusión qui remporte un succès considérable. Gastón Acurio participe également à des émissions télévisées (Aventura Culinaria, Master Chef et Ceviche con Sentimiento), gagnant, grâce à personnalité sympathique et bienveillante, le cœur du grand public sud-américain.
Dans le même esprit, il crée, en 2006, Mistura, le plus grand événement culinaire d’Amérique latine dont il assure la direction pendant les trois premières années, en tant que président de l’APEGA (Association Péruvienne de Gastronomie). « Mistura fait de Lima une capitale gastronomique mondiale et contribue largement à la reconnaissance mondiale de la cuisine et des produits péruviens. Et, plus important encore, cet événement illustre la fierté des Péruviens pour leur cuisine et exprime un message essentiel : la solidarité et l’interdépendance de tous les acteurs, depuis le producteur jusqu’au mangeur, en passant par le cuisinier », explique le chef. Acurio s’implique également dans l’École de cuisine Pachacutec, construite dans l’un des quartiers les plus pauvres de Lima et destinée à délivrer un enseignement de qualité à des jeunes défavorisés.
Les trois piliers de la cuisine péruvienne
La cuisine péruvienne, explique Gastón Acurio, repose sur trois piliers. D’abord une biodiversité exceptionnelle grâce à la variété des régions : les montagnes andines les hauts plateaux de l’Altiplano, l’immense forêt amazonienne et la côte Pacifique. Le pays (pratiquement trois fois plus grand que la France) compterait à peu près 80 écosystèmes et donc des milliers de produits et de variétés différents. La cuisine péruvienne c’est aussi l’Histoire. On trouve au Pérou des traces de civilisations vieilles de 7 000 ans. L’héritage culturel est donc très ancien et, depuis 500 ans, il est marqué par la confluence de nombreux peuples du monde (chinois, japonais, africains, arabes, juifs, espagnols, italiens...). « Tous ces peuples ont apporté leur contribution dans l’assiette péruvienne », souligne le chef. Le troisième pilier, c’est l’amour des Péruviens pour leur cuisine. À travers toutes les époques et toutes les influences, l’amour de la vie et de la nature a constitué une référence commune, capable de donner sa personnalité à la cuisine péruvienne, au-delà de la variété des expressions régionales. Se reposant sur ces trois piliers, Gastón Acurio a donné forme à la nouvelle cuisine andine qu’il décrit comme étant avant tout une cuisine du respect et du partage. Quant à l’apport des pays andins à la cuisine du monde, il est considérable : que seraient nos repas si nous n’avions pas la pomme de terre, la tomate, les avocats, les poivrons, les haricots ou les cacahuètes ?
Un déjeuner d’exception, à la découverte des saveurs péruviennes
Pour son déjeuner exceptionnel au Plaza Athénée, Alain Ducasse a laissé carte blanche à Gastón Acurio. Le chef péruvien a choisi de donner à son menu une tonalité océanique. En amuse-bouche, le chef proposait un Causa (entrée froide à base de pommes de terre violettes, de crabe, d’avocat et de crème de piment jaune), des burgers au quinoa, lentilles et légumes, chutney de mangue et piment Rocoto, et des Saint-Jacques en tiradito, une sauce oursin et citron vert. Le menu dégustation se poursuivait par un Ceviche de homard, leche de tigre et maïs. Le ceviche, sans doute le plat le plus connu de la cuisine péruvienne était accompagné de leche de tigre (lait de tigre), un fumet de poisson relevé de coriandre, céleri, oignon rouge, citron vert et ail. Ensuite le chef proposait une brochette de poulpe et encornet, sauce chimichurri. L’anticucho (ou brochette) est un plat péruvien typique de la nourriture de rue. Le poulpe et l‘encornet sont marinés dans du piment et cuits à la plancha, devant extrêmement tendre. La sauce chimichurri, elle, se compose d’huile d’olive, de persil, d’ail, d’origan et de vinaigre. Pour continuer le repas, une réinterprétation du sudado (soupe de poisson) traditionnel : Sudado de mérou, palourdes et pommes de terre. Dans la version de Gastón Acurio, le poisson est snacké et accompagné d’un jus de coquillages (palourdes et moules). Enfin, un seco d’agneau de lait, haricots canari et piment doux, achevait la partie salée du repas. Le seco est un autre grand classique péruvien : les haricots sont accompagnés d’une souris d’agneau cuite lentement dans un jus de coriandre. La sauce au piment doux est faite avec du jus de maïs fermenté et de la coriandre. Pour beaucoup de convives, le choc gustatif (dans le bon sens du terme) arriva au moment du dessert, avec la mousse au chocolat péruvien, quinoa rouge et blanc, glace à la lúcuma. Le quinoa rouge et blanc caramélisé apportant du croquant et une note légèrement salée et la glace à la lúcuma (un fruit péruvien) ajoutant sa douceur à cette mousse au chocolat onctueuse. Pour terminer ce voyage culinaire, le chef a concocté des Alfajor au chocolat avec confiture de lait et lùcuma. Une dernière douceur entre le macaron et le pain d’épice, joli façon de clore ce joli tour du Pérou.
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