Fromage de Savoie protégé par une AOP depuis 1958, le reblochon est particulièrement apprécié des Français, qu’il soit à l’honneur sur un plateau de fromages ou incorporé dans une recette. Mais tout le monde ne connaît pas son histoire, qui remonte à plusieurs siècles déjà...
Au XIIIe siècle, en Haute-Savoie, dans la vallée de Thônes (à une vingtaine de kilomètres d’Annecy), les paysans ne disposaient pas du lait qu’ils produisaient. Les propriétaires des terres, moines ou nobles, bénéficiaient chaque jour du lait récolté par les exploitants de l’alpage en guise de loyer : c’est ce qu’on appelait le droit d’ociège. Pour garder un peu de lait après le passage des contrôleurs, les paysans ne réalisaient qu’une traite partielle de leurs vaches. Ainsi, elles gardaient un peu de lait qu’ils pouvaient récupérer plus tard. Une petite fraude donc, grâce à laquelle ils récupéraient un lait particulièrement riche en crème : car de cette « rebloche » (une deuxième bloche, action de traire la bête en patois savoyard), on faisait le reblochon.
Protégé par une AOP depuis 1958
Ancrée dans l’histoire de sa région, ce fromage doux et crémeux est toujours produit en Savoie et Haute-Savoie, sans lait collecté clandestinement, mais avec du lait cru et entier d’alpage. En 1958, il bénéficie d’une « Appellation d’Origine Contrôlée » : sa production est encadrée par un cahier des charges strict, et on reconnaît que ses qualités sont dues à plusieurs paramètres, dont le sol, le climat et le savoir-faire de la région. Le territoire de fabrication du reblochon est donc limité à une partie de la Haute-Savoie et au Val d’Arly en Savoie, et seul le lait de trois races de vaches de montagne (Montbéliarde, Tarine et Abondance) est utilisé. Deux types de reblochon existent aujourd’hui : le reblochon classique (dit laitier) et le reblochon fermier, qui a la particularité de n’être fabriqué qu’avec le lait d’un même troupeau et d’être produit manuellement.
La Savoie sur un plateau... ou dans l'assiette !
Les Français sont très friands de reblochon, en témoignent les 15 000 tonnes écoulées chaque année. S’il accompagne admirablement bien une fin de repas, sur un plateau de fromages (« la Savoie sur un plateau », précise le site de l’interprofession du reblochon), ce fromage peut se cuisiner de bien des manières. De l’incontournable tartiflette à la bruschetta grillée en passant par le clafoutis salé, les recettes ne manquent pas. Sophie Dudemaine et Joël Robuchon en glissent dans un croque monsieur revisité, tandis qu’Alain Ducasse et Paule Neyrat l’associent à un écrasé de patate douce dans une recette pour bébé que l’on se voit bien adapter pour les grands… Marie Quatrehomme en propose même une version « à la coque » des plus gourmandes.
Bien choisir son reblochon
Libre ensuite aux gourmets de l’accommoder comme ils le souhaitent : le reblochon se marie avec bonheur aux fruits comme la pomme ou la poire, ou même les abricots, mirabelles ou figues. En tartine, sur du pain de campagne grillé, il fait des merveilles avec du jambon San Daniele et de la roquette. Il nappe les pommes de terre, réchauffé de quelques épices... Un seul impératif : bien le choisir. Le reblochon se choisit plutôt souple au toucher, avec une jolie croûte lisse oscillant entre le jaune clair et l'ocre, recouverte d'une fine mousse blanchâtre. Les plus attentifs distingueront un léger goût de noisette dans sa pâte, d'une jaune très pâle. Il vaut mieux le choisir fermier, pour profiter d'une saveur plus prononcée et d'une qualité optimale. Pour le distinguer des autres, il porte une pastille de caséine verte.