On pouvait difficilement trouver mieux que Florent Ladeyn pour parler bière et cuisine. Ce chef, solidement arrimé à son terroir des Flandres, vient d’ouvrir un estaminet nouvelle génération au coeur du vieux-Lille. Son nom : Bierbuik. Signification : ventre à bières. Là, l’inventivité est reine, le malt est dans l’assiette et les légumes dans les pintes.
Florent Ladeyn, c’est un passage dans Top Chef en 2013, une étoile au Michelin depuis 2014 pour le restaurant familial (l’Auberge du Vert Mont, à Boeschepe), et trois adresses à Lille. D’abord le Bloempot, rue des Bouchers et, depuis quelques semaines, l’établissement deux-en-un de la rue Royale : Bloemeke à l’étage, Bierbuik au rez-de-chaussée.
Bierbuik, c’est le petit dernier. Un « ventre à bières » qui permet de manger bien et local, de midi à minuit, pour une dizaine d’euros, boisson comprise. On y dévore des grosses tartines gratinées, du cochon des Flandres rôti dans la cheminée, des frites aux maroilles. Mais surtout on y boit. De la bière évidemment.
Les bières cuisinées du Bierbuik
Outre la belle collection de bières, venues de micro brasseries soigneusement sélectionnées, on boit au Bierbuik des mousses fabriquées maison. Fasciné par cet art, Florent Ladeyn « apprend le brassage » et brasse comme il cuisine : 100% local. Lui qui a banni de ses restaurants tout ce qui vient de loin (épices, agrumes et jusqu’au café, remplacé par une chicorée bien nordique) concocte des bières pour le moins originales, à base de houblon venu du Mont des Cats. Les autres ingrédients, tout aussi locaux, sont ajoutés en fonction de l’inspiration et des saisons : concombre, champignon, rhubarbe, fleurs et herbes sauvages. Les mélanges auraient séduit les surréalistes : « On a fait une American pale ale avec de la glycine, une Porter au laurier… », énumère Florent Ladeyn.
Il poursuit : « On s’attelle à sortir des vieux styles de bières endémiques de la région, des lambics, des gueuzes… Et, en tant que cuisiniers, on pense en termes d’associations. On prend par exemple la Berliner Weiße, une bière légère et acidulée. On ajoute de la purée de concombre bio des Flandres, des feuilles de verveine fraîche et on ensemence avec du petit lait de chèvre. C’est une association qu’on faisait déjà en dessert. Pareil pour la bière betterave, cassis et mûre, inspirée d’un dessert qu’on avait déjà réalisé. En général, quand ça marche en plat, ça marche en bière. »
Pas de bières « à sauce » chez Florent Ladeyn
On expérimente chez lui « le goût des Flandres » mais n’imaginez pas trouver sur la table de Florent Ladeyn la très traditionnelle carbonnade, cousine à la bière du boeuf bourguignon. « « Je cuisine très peu à la bière », explique le chef. « Quand j’ai commencé à l’auberge (du Vert Mont ndlr.), j’en ai fait des tonnes. C’était l’auberge d’avant. Je peux encore faire une sauce carbonnade, avec des salsifis, par exemple. On fait aussi une tarte à la bière… mais c’est davantage dans une démarche anti-gaspi, avec des bières éventées. Ça me ferait mal d’ouvrir une superbe bière pour la mélanger avec des oeufs et du sucre. »
Pour le chef, la bière a plutôt sa place dans les verres. « C’est une boisson qui a beaucoup trop d’intérêt. Ça serait vraiment sacrilège de la bouillir pour en faire une sauce », estime-t-il. Rare exception, cet agneau qu’il a fait mariner un jour dans une bière issue d’une collaboration entre la Brasserie bourguignonne Elixkir et la Brasserie alsacienne Bendorf. « C’est une bière brune, chocolatée, avec une consistance sirupeuse et un côté cassis très marqué. Elle m’a beaucoup inspiré. Le résultat sentait vraiment les marinades de vin rouge comme chez mamie. »
Malt au lait et beurre de houblon
Si Florent Ladeyn cuisine finalement très peu la bière en tant que telle, il travaille en revanche beaucoup tous les ingrédients qui la composent. A la carte des desserts du Bierbuik, on trouve par exemple un « malt au lait », réalisé avec des drêches, les résidus de céréales bouillies, que l’on récupère après brassage d’une bière. « On fait une sauce au lait, qu’on parfume au mélilot ou à la reine-des-prés, et à laquelle on ajoute les drêches et de la vergeoise. Ça donne une sorte riz au lait des Flandres », explique Florent Ladeyn. « Les drêches, on en a plein, donc on en fait aussi des glaces, des porridges ou des galettes. Au-delà du zéro déchet, on cuisine ces résidus également dans un souci économique. Chez Bierbuik, on a des prix très démocratiques, donc on doit être malins. »
Autre ingrédient de la bière, que Florent Ladeyn fait passer dans l’assiette : le houblon. « Quand il est frais, il a des notes très exotiques, d’agrumes ou d’ananas, et ça n’est pas monnaie courante en Flandres ! J’aime faire un beurre de houblon pour une pâte sablée ou un sucre de houblon pour des meringues. » Reste la levure, troisième et dernier ingrédient de la bière (avec l’eau). « Elle, je n’ai pas encore essayé d’en faire quelque chose en cuisine », s’amuse le chef. Plus pour longtemps ?
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